Dominique A - Le bruit blanc de l'été
Ma concentration sur l'oeuvre de Dominique A va finir par paraître louche. Comme si tout à son sujet n'avait pas déjà été dit. Comme si les médias n'avaient pas épuisé la question de cet artiste qui fête ses vingt ans de carrière. Serait-ce chez moi l'impossibilité de ne pas l'écouter chaque jour qui me rangerait dans la catégorie aveuglée des fans transis et du coup démesurés ?
Eh bien non, je ne suis pas fan. Parce que le mot ne me plaît pas. Le fanatisme c'est l'abandon du cerveau pour la croyance qu'un être est à jamais parfait, génial, incontestable. Le fan, c'est celui qui est capable de réciter religieusement les paroles de chaque chanson, dans un ravissement extatique qui aujourd'hui me met mal à l'aise. Oui, j'ai un jour été fan, comme beaucoup d'ados. De Dire Straits, des Guns n' Roses, de Gainsbourg. Comme vous peut-être de Dylan, de Pink Floyd, ou de Tokyo Hotel. Mais comme vous sans doute, j'ai compris un jour que derrière la malice de la communication, des images parfaites, il y avait des gens. des vrais. Qui payent leurs impôts, font des bêtises, s'ennuient. Et c'est là qu'une nouvelle forme d'admiration prend forme : la reconnaissance pour ceux capables de transcender cette impuissance en une chanson de quelques minutes.
Au contraire d'un fan, je suis loin de connaitre sur le bout des doigts l'oeuvre de Dominique A. J'ai découvert ses chansons sur le tard, une fois mes appréhensions de chanson française pour bobo passées. Je ne connais bien que ses derniers albums. Je retiens au hasard de concerts ou d'écoutes des trésors cachés quand d'autres morceaux me laissent insensibles. Et c'est ce qui me plaît dans ce rapport : cette idée d'avoir pu le trouver à temps. Comme en littérature, le temps est compté si l'on souhaite trouver son diapason. Tant d'offres, si peu de minutes si l'on veut vivre aussi un tant soit peu. Et avec Dominique A, c'est pour moi comme retomber sur un passage si juste de Flaubert, Barthes ou Céline. Le sens de la formule, l'expression honnête de la faille. L'inverse du fanatisme justement : plutôt un dialogue rassurant avec un mec debout mais qui a parfois échoué, qui s'est parfois mal comporté, et qui a su merveilleusement mettre tout ça en musique.
Le bruit blanc de l'été figure sur un album magnifique, au titre que d'aucuns auraient moqué si le contenu n'avait pas été à la hauteur de la proposition : La Musique. L'artiste livre ici en douze chansons des confessions écorchées, sur l'amour, l'alcoolisme, l'insoutenable légereté de l'être. Et sur cette drôle de chanson d'été, nous donne à entendre ce bourdonnement terrible et égoiste qui nous rend sourds, en pause, quand le soleil évacue toute forme de préoccupation. Bien sûr, pas de leçon ni apprentissage : juste le constat qu'ainsi vont les choses.
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