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9 juillet 2017 7 09 /07 /juillet /2017 13:20
You ain't the first

Appetite for destruction vient de fêter son 30ème anniversaire. Inutile de préciser que l’événement est relayé par une bonne partie des médias, et réveille de nouveaux les pro et anti GN’R tant c’est un album qui a divisé et divise encore aujourd’hui l’opinion, et cela va au delà de la musique : c’est aussi une division esthétique, morale, voire politique.

L’album est sorti en 1987 et tous les quadragénaires de ma génération un tantinet portés sur le (hard) rock ont eu l’occasion d’écouter cet album. Si aujourd’hui la sincérité n’est pas la chose la mieux partagée sur « les internets », on peut admettre qu’Appetite for Destruction est un premier essai impressionnant d’équilibre, de cohérence, sans longueur ni fioritures.  Cela n’en fait pas un chef d’oeuvre pour autant me diraient certains. Et ils auraient raison : PNL pourrait sortir un album équilibré bourré de « tubes » cohérents que ce ne serait pas une raison de crier au génie. Non vraiment pas. Ainsi, il y a les allergiques aux Guns, qui ne supportent pas la voix d’Axl Rose, les soli de Slash ou la basse ronflante de Duff mc Kagan. C’est épidermique, voilà tout. Tous les goûts sont dans la nature etc… On pourrait s’arrêter là.

Mais là ou de nombreuses oeuvres laissent au mieux indifférent, Appetite fait partie de ces albums qui provoquent la détestation ou l’admiration pour des raisons autres que simplement musicales. Même chez les métalleux. Rapide retour en arrière : en 1987, si on est amateur de rock, on a le choix entre les monstres sacrés (des Stones à Pink Floyd en passant par Led Zeppelin ou Hendrix pour la faire très courte), une nouvelle génération plus polissée (le rock fm des Dire Straits, U2, ou Queen de ces années là) ou encore des franges plus spécialisées, plus radicales (Stooges, Sex pistols, Toy Dolls, Trust etc…) Le choix n’est évidemment pas clivant et on peut se balader entre toutes ces catégories. Et en rajouter une nouvelle, celle des « hardos », terme employé péjorativement au collège pour désigner ces énergumènes aux cheveux longs, aux pantalons moulants et aux t-shirt noirs floqués. A la fin des 80’s, c’est sur le dos d’une veste en jeans sans manche qu’on peut lire les noms de Deep Purple, Judas Priest, ou Aerosmith. On se peint les ongles en noir (oui noir, toujours noir) et on s’échange des cassettes repiquées d’Iron Maiden ou de Kiss. De loin, on imagine une communauté fédérée, une religion vénérée sur l’autel de la Kronembourg. Il n’en est rien : au même titre qu’un brestois peut considérer qu’un rennais n’est pas breton, il y a comme partout des guerres de chapelles entre ceux qui ne jurent que par l’abrupt Motorhead, le bluesy AC/DC ou le cinglant Slayer. Le patch sur la manche devient un étendard où ne mélange pas toujours les torchons trash et les serviettes hard-rock. A l’image de cette opposition, les Guns’n Roses et Metallica. Si on peut bien sûr aimer les deux, l’être humain a souvent cette manie du duel : On est Beatles ou Stones, Blur ou Oasis, souvent pour des dichotomies caricaturales : mélodie vs rythmique, mainstream vs indie, compromission vs radicalité. Et si l’on compare Master of Puppets de Metallica à Appetite for Destruction, sortis à une année d’intervalle, il semble y avoir cette même différence inconciliable.

 

Appetite for Destruction est en cela un album charnière, dernier représentant phare d’un hard rock  qui sera bientôt jugé ringard, ultime secousse dans un courant en ligne droite des Stones, de Led Zep et d’Aerosmith et qui repose encore sur un son, une attitude sexuellement « rock’n roll ». Si bien plus tard Metallica cédera aux sirènes de la ballade, Master of Puppets est à l’époque un condensé de brutalité implacable, chirurgicalement entrainé par une sèche double pédale et où les confessions libidineuses ont peu voix au chapitre. On est loin des Rocket Queen ou My Michelle d’Appetite. Même les attitudes, les parti-pris sur scène sont aux antipodes :  les Guns’n Roses jouent la carte du travestissement, des poses lascives, de l’ambiguïté, là où Metallica amorce de plus en plus une esthétique épurée, martiale, qui ne cabotine pas. Il y a une sorte de paradoxe dans la proposition des Guns’n Roses qui tiendrait moins la route aujourd’hui, entre posture misogyne et des emprunts à l’esthétique Queer, entre sauvagerie et douceur, romantisme et cynisme crasse. Source de moquerie donc pour les puristes de la saturation martelée.

Cette tension, on la retrouve à tous les niveaux d’Appetite for Destruction. D’abord la voix d’Axl Rose, geignarde pour certains, mais capable de passer de l’aigu à la voix caverneuse. Les registres aussi, du belliqueux Welcome to the Jungle à l’épique Paradise City ou l’angélique Sweet Child of Mine. Les envolées enfin de Slash, capables de lyrisme comme de rugosité.  L’album est une formidable synthèse d’une génération qui voulait vivre vite et mourir jeune.

 

Cette tension, on la retrouvera de moins en moins au fil des années. Puisqu’ils ne sont finalement pas morts jeunes, les Guns’n Roses s’embarqueront dans des tournées fastueuses, un double album mégalomane, signe de grande compromission pour beaucoup mais aussi façon de rentrer de plus en plus dans le moule d’un hard rock en sursis, parfois en s’auto caricaturant, en survivant sur les braises d’un premier brûlot. En l’espace de quatre ans, ils passeront du statut de jeunes rebelles prêt à en découdre à celui de millionnaires boursouflés par les excès et l’ego. Pas étonnant que la sortie d’Use your Illusion I & II soit concurrente de celle de Nevermind de Nirvana ou un an plus tard de Rage Against the Machine. Les attentes et mentalités changent vite et le sentiment d’urgence ressenti dans les propositions de Kurt Cobain ou Zack de la Rocha renvoient les Guns au panthéon poussiéreux du rock. Là, plus de soli interminables ou de postures fantasques : juste l’évocation à vif d’un mal être ou l’engagement pour des causes mondialisées. Deux visions différentes, mais un point commun :  le refus de la starification et des grands barnums. RATM et Nirvana font faire oublier qu’Appetite for Destruction était aussi une confession de détresse et d’inquiétude de son époque, à sa manière. En adoptant un son nouveau, plus garage, plus dépouillé, ils enterreront pour un temps l’extravagance assumée des Guns’n Roses par une sécheresse habitée et concernée, sans colifichets, tambours ou trompettes.

 Appetite for Destruction fête ses trente ans et entraine une reformation des Guns’n roses pour une tournée mondiale. Nevermind a fêté en 2011 ses vingt ans mais Kurt Cobain est mort. Is this It des Strokes et Elephant des Whites Stripes leurs dix ans en 2001 et 2003. Autant d’albums symboliques qui ont imprimé une certaine idée du rock. En 2017, c’est aussi Ok Computer de Radiohead qui célèbre ses vingt ans. Autant d’occasions de se laisser aller à la nostalgie et de circuler entre toutes ces pierres angulaires. Joyeux anniversaire.

 

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