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28 janvier 2012 6 28 /01 /janvier /2012 23:11

letta

 

Letta Mbulu - Sings

 

Chère Letta,

 

Je t'écris depuis l'année 2012. Nous sommes en janvier, ici il pleut et il fait froid (j'habite en Bretagne) et je ne te remercierai jamais assez de venir réchauffer mon salon de ta voix brûlante.

 

Tu sais, ce début 2012 n'est guère réjouissant. Passe encore la météo. Mais à l'heure où je t'écris, nous nous apprêtons à élire un nouveau président. Et en ce moment c'est la crise. Le genre morose tu vois : la radio, la télé, internet n'ont que ces mots à la bouche : rigueur, austérité, récession. L'heure est grave quoi. Et encore, je m'estime heureux : le prix des coquillettes n'a pas bougé. 

 

Mais je me sens ridicule : tout à mon apitoiement, j'oublie que ta vie a connu de bien plus grandes souffrances. Toi qui es née à Soweto, l'apartheid dans ta jeunesse t'a appris la soumission involontaire. Elle t'a conduite à l'exil. Tu ne le savais peut-être pas alors, mais ce coup du sort t'a permis de rencontrer des grands de la musique qui, encore aujourd'hui, sont des monstres sacrés : Cannonball Adderley, Harry Belafonte. Et quand je pense qu'Harry est surtout connu chez nous aujourd'hui pour sa chanson Try to remember, bluette devenue rengaine des caféinomanes, je mesure combien nos mondes sont parfois séparés. Quand on sait combien Monsieur Belafonte a oeuvré aux Etats-Unis pour l'égalité des droits civiques, j'en mange mon chapeau carte noire.

 

Mais en fait, je suis certain que tu retiens davantage de lui son Banana Boat chaloupé et ironique. Simplement parce que j'y retrouve tout ton sens de la rythmique, cette façon de poser une voix inouie sur des arrangements tirés au cordeau. Ensuite, je vais être tout à fait honnête avec toi : j'ai découvert tes albums bien après ceux de Marvin, Otis ou Stevie. J'ai secoué la tête sur Mamami  des années après l'écoute d'Al Green. J'ai dansé sur Ade bien après Shaft. Et en méditant sur A song for you de Donny Hatthaway, j'ignorais que Pula Yetla existait. Alors je te dois des excuses. J'ai beau passer tes disques en boucle sur ma platine, je suis toujours travaillé par la culpabilité de ne pas t'avoir découverte plus tôt. Je suis convaincu que ma vie n'en aurait été que plus belle.

 

J'imagine qu'aujourd'hui, tu ne peux pas grand chose pour moi, pour nous. Tu as déjà donné. Pourtant j'ai l'intime conviction que tes chansons seraient aujourd'hui des modèles d'espérance quand on a, comme c'est le cas actuellement, les pieds dans une époque merdique. Et que si un jour, on se décide à écouter ta musique plus attentivement, on verra peut-être fleurir des rues à ton nom, ou des décrets Mbulu. Crois-moi, ce serait la révolution.

 

En attendant, puisque je te tiens, je voudrais d'abord te remercier d'avoir illuminé mon début d'année 2012, quand chacun de tes morceaux finit de me convaincre que la musique essentielle est la chose la moins bien partagée au monde. Où as tu trouvé toute cette science chaleureuse du groove, du jazz, cette démonstration définitive de ce qu'est la soul, ce génie du funk ?


  Ensuite, il paraît que là haut, on réserve une place de choix à celles qui ont comme toi rendu heureux les pieds, les coeurs, et les oreilles. Je sais que Nina Simone et Miriam Makeba y coulent des jours paisibles. Je me demande si Etta James se fait à ses nouveaux appartements. Ici-bas , c'est la crise : si je rêve parfois de vous rencontrer Shirley Bassey, Aretha et toi, ce ne serait sans doute aujourd'hui, rigueur oblige, qu'autour d'un bon café et... d'une assiette de coquillettes.  


Enfin, Je veux te déclarer tout mon amour. Grâce à toi, j'ai des preuves irréfutables que Seal est une vaste blague.

 

Je t'embrasse bien fort. 

 

P.S : Grâce à internet, je peux diffuser ta bonne (parole) musique. Alors si tu veux bien, je partagerais volontiers ce qui suit (voir lecteur Grooveshark également). Et si seulement Tata Francine pouvait t'entendre...

 

 

 

 

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commentaires

S
J'ai cherché un angle ironique, gentiment sarcastique ou légèrement décalé. J'ai rien trouvé, oualou, nada : ta lettre sonne juste, et les morceaux sont splendides.<br /> Carry on donne carrément des frissons. Les arrangements minimalistes servent la performance vocale comme il faut, et je me demande moi-aussi comment j'ai pu passer si longtemps à côté d'une telle<br /> artiste. Merci en tout cas, très sincèrement, de m'(nous) l'avoir fait découvrir.<br /> N'hésite pas, un de ces quatre, à écrire à Ann Peebles.<br /> En attendant, je transmets à tata Francine.
Répondre
-
Hé bien, ca c'est une bien belle chronique. Là, comme tu me vois, j'ai ma collègue en face de moi et il est impossible de lancer le disque maintenant tout de suite. Mais ce soir, en rentrant, sans<br /> nul doute. Ta chronique m'a mis en appétit. Miam!
Répondre
J
<br /> <br /> Merci Twist ! Tu fais partie des rendez-vous incontournables lors de mes recherches musicales sur internet. Et si je me suis lançé dans l'aventure blog, c'est un peu, au bout de toutes ces années<br /> de lecture de ton blog, grâce à toi ! Ravi de te faire découvrir Letta Mbulu et que ma chronique te plaise. J'attends ton verdict. A bientôt !<br /> <br /> <br /> <br />

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