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26 juin 2015 5 26 /06 /juin /2015 14:16
Automatic mots bleus for the people

Cristal Automatique - Babx
 

Une envie de comprendre m’amène à écrire pour m’adresser à vous sans vous connaître. Esthètes mélomanes, amoureux de la langue, de la poésie malade ou illuminée, acceptez cette injonction. Accordez à vos tympans, convalescents ou pas, le clinquant du son de mots rédempteurs et d'une musique porteuse. En d’autres termes, faites-vous du bien.
 

Voici presque dix ans que Babx m'inspire. En 2006, l’amour me fait découvrir un premier album sans nom, qui a l’effet d’un coup de masse. Crac. Maniaque de l’allitération martelée, soutenue par un piano plus insidieux qu’un larsen, mon échine a du plier. Je rencontre un maître. En 2007, il me happe en concert aux Bouffes du nord à Paris, grandiose écrin, trou de plâtre et de vermoulures où il chantait comme une rivière. Puis, deux ans plus tard, nouvel électrochoc. Un album d’une classe inouïe, amalgamant déjà larmes et assauts émotionnels sur mon cerveau poreux. La musique, c'est la matière.

 

Babx peut écrire « J’suis pathétique à crever, Dis t’as pas vu ma gueule ? » sans nombrilisme crasse et vain, avec figures de style, en personnifiant un lieu dans lequel trouver refuge. Un navire abandonné, un ballroom où la poussière se dépose sur les lustres. Qu’elles se déposent, ces particules élémentaires, sur la source de lumière pour qu’elle aveugle moins. Ainsi, nous pourrons « le tranchant de l’œil en éveil », la regarder sans se brûler. Dans la chanson française, les illuminations sont rares, alors par soif de lecture, on laisse l’ampoule allumée.

Lorsqu’il perd de vue les lueurs, Dominique A part à vau-l’eau  « Aujourd'hui braderie, j'offre tout ce que j'ai, Je donne tous mes objets mes souvenirs aussi contre un sens à ma vie, Même un qui a fait son temps, Même un peu décevant » (Le Sens).
La musique c'est la lumière. 
 
Benjamin Biolay, lui, se met au verre et regarde la végétation tout recouvrir « Tant qu'on ne sait pas le coup de frein, qui vous brule à vif un jour de juin, Tant qu'on ne sait pas que tout s'éteint, on ne donne quasi jamais rien. Tant qu'on ne sait pas que tout éreinte, Tant qu'on ne sait pas ce qu'est la vraie crainte, Tant qu'on n'a jamais subi la feinte, Ou regardé pousser le lierre qui grimpe… » ( La chanson des vieux cons ).
Bashung, enfin, joue les laborantins « J'y suis tombé, quelle autre solution que de se dissoudre… Faites monter l'arsenic, faites monter le mercure, faites monter l'aventure, au-dessus de la ceinture. Et les pépites ? Jetez-les aux ordures. » (Faites monter).

Babx, de son coté, échafaude une œuvre sur un paradoxe, une contradiction poétique. Il explose dans l’expression, savoure l’énergie procurée, et semble reconnaître, avec une mélancolie immédiate, que c’est déjà passé. Ressentir pleinement mais perdre et devoir recommencer. Comme quand on tombe amoureux. Entre envie viscérale de partager avec le monde et reflexe instinctif de garder pour soi, pour sa « survie ». Ranger le précieux dans sa pharmacie personnelle. « Ô doc ! Emmène-moi danser de folles tarentelles, pour toi je serai belle » (Electrochoc Ladyland). Médicaments ou drogue, certains mots nous font croire qu’ils soignent alors qu’ils nous font glisser. « Quand tu m’embrasses, C'est ma piste de glisse, mon piment de réglisse, ma Norma de Callas ». La musique c'est la n
ature et la science.

 

Babx, en cas de vague à l’âme, fait couler son cœur fêlé en le remplissant d’eau salée, pour le noyer. Et remonte, allégé. Par politesse intellectuelle, il ne laisse rien s’échouer sur la grève. Il burine, sculpte, lisse, polit. « Il faut que ca passe », que ça inonde. L’écrivain Olivier Adam dit de lui : « Sa musique est définitivement organique, parfois tendue parfois languide, toujours sensuelle. Abandonnée mais tenue. Des fanfares déglinguées y arpentent des cabarets en ruines. Les musiciens semblent échappés d’un orchestre ivre, et rescapés des saloons du Titanic ». Mer et naufrage. La musique c'est l'eau !

Nouveau tourbillon bouillonnant de poésie, qui contourne les règles et les balises des maisons de disques frileuses, Cristal automatique, sort sur le nouveau et propre label de Babx, Bison Bison. Deux ans après Drones Personnels, il met en musique les mots des autres. Pas n’importe lesquels ! Babx s'y révèle dans toute sa substantifique. Deleuze y côtoie Artaud, qui introduisent les mots de Genet, Baudelaire, Césaire, Prévert et Barbara. D’Arthur Rimbaud, aussi, dans une interprétation sauvage et possédée du Bal des pendus. La langue anglaise, également fondatrice, fait tenir debut l'édifice. Ah ! Pull My Daisy et sa poésie beat, sortie des caveaux et cerveaux jazz de l’Amérique des outcasts vénérés Allen Ginsberg, Jack Kerouac et Neal Cassady. Sur la route, Tom Waits, l’attend au bar avec un bourbon. Ils entonnent de concert Watch Her Disappear et leur voix de poètes timides se confondent presque en excuse.

 

Il faut citer enfin un nouveau venu dans le panthéon, Gaston Miron (1928-1996), poète canadien auteur d’un morceau fleuve qui irrigue les veines de ce disque, et le porte aux nues. Babx confiait récemment dans Nouvelles vagues, sur France Culture, le « basculement » qui a suivi la découverte de ce texte, La Marche à l’amour, lui faisant adopter à jamais une nouvelle foulée. 10 minutes qui transpercent de part en part, transpercent les remparts. La musique se situe ici, entre prose et poésie.
 

Finalement la musique, comme l’amour, embrasse tout : matière, lumière, chimie, élément naturel. Et pour la resentir, heureusement, il reste les mots, que Babx voit bleus. Comme ceux qui, automatiquement, cristallisent les émotions et rendent les gens heureux...

« Cristal Automatique #1 » est sorti en édition classique digipack le 22 juin, distribué par l'Autre Distribution ainsi qu’en édition limitée, à 350 ex numérotés et signés, avec des illustrations du plasticien Laurent Allaire.

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