Ceci n’était pas un concert. Une performance, un récital azimuté, une déclaration d’amour à Guy Debord, un one man show avec de la musique dedans, un dérèglement de tous les sens, une ode à la régression jouissive, au travestissement parodique des codes habituels d’une prestation scénique. Samedi soir au Carré Magique, Philippe Katerine a prouvé qu’on pouvait jouer avec les cadres parfois trop formels de la restitution d’une oeuvre en live. Pour notre plus grand plaisir, et une bonne dose de fou-rires.
Dès le premier morceau, La reine d’Angleterre, le décor est planté : minimalisme du texte et du dispositif. accompagné au piano par l’excellente Dana Ciocarlie, Katerine débarque dans un lycra bleu, une hermine et une couronne, entonnant : « je suis la reine d’Angleterre et je vous chie à la raie ». Pas de posture anarchique à la Sex Pistols ici, plutôt une facétie carnavalesque de garnement. On comprend immédiatement que si l’on vient pour un best-of du vendéen, il faudra passer son chemin. L’idée est tout autre : proposer un événement hybride qui mélange auto-citations, théâtre, et en somme, communion.
L’exercice peut être casse-gueule. Tenir deux heures sur ce registre peut lasser, voire irriter ou choquer, quand une chanson comme excuse-moi commence par « excuse-moi j’ai éjaculé dans tes cheveux à un moment inadéquat ». Sauf que Philippe Katerine ne marche pas sur les mêmes plates bandes qu’un Didier Super ou un comique troupier. Il a l’art de manier le chaud et le froid, l’outrance et l’intimisme. Et à force de ne pas se prendre au sérieux (il faut aller le voir pour comprendre) il emporte très vite l’adhésion.
Quelques tubes sont passés à la moulinette de l’auto dérision : Louxor j’adore (devenu dans les mots du refrain « au bar du Trégor ») La banane, Marine Le Pen (texte cruellement visionnaire et faisant réagir joyeusement le public). Fort de son expérience, de son sens du spectacle et de l’humour pince sans rire, Philippe Katerine parvient à trouver un équilibre entre provocations crues et véritables instants de poésie, n’hésitant pas à prodiguer des bisoux (sic) en vrai à la salle. L’artiste semble mû par une sincère envie de foutre un joyeux bordel génialement immature, comme cette chanson 3 ans : « ils ne savent pas vraiment comment ils sont coiffés, on dirait toujours qu’ils sont un peu bourrés ». L’approche n’est jamais vulgaire ni méprisante : l’artiste parvient à maintenir une forme d’angélisme, de personnage au service de la performance, généreux dans la durée et très malin dans la mise en scène. Pour comprendre pourquoi Katerine rime avec un hérisson, des lampes torches, un saxophone dégueulasse, et des cornes de gazelle, il fallait en être ce soir-là. Et ceux qui y étaient en sont sortis ravis.
Merci encore au Carré Magique d’avoir fait ce choix plein d’inattendus. Et comme le disait un partenaire de plume, il fallait une bonne dose d’humour pour programmer Katerine un 1er avril… Mission réussie. Un immense merci à Philippe et Mariane de nous avoir permis de partager ce moment si Sexy cool !